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Si seulement j'avais juste fait du ski

Publié : 02 févr. 2016 02:05
par Petit Buisson
Voilà, c'est ce que je répond en ce moment à tout ceux que je croise et qui me disent sur un ton sympathique "hé ben, qu'est-ce qui t'es arrivé ?". Parce que quand on ne sait pas soit même, on ne sait pas trop non plus quoi dire aux autres. Alors j'essaie d'en plaisanter en répondant : " si vous le savez, dites le moi !" ou encore "ça aurait été trop simple que je me casse une jambe en faisant du ski...".

Mais à force d'en plaisanter, on se rend compte aussi que c'est dur de ne pas savoir soit même ce qui touche son propre corps..

Je ne me suis pas présentée. Je suis une jeune fille dans la fleur de la vingtaine. Je vie en couple depuis 3 ans dans un petit appartement loué pour mes études.

Pour ceux qui veulent toute l'histoire, j'ai envie (besoin) de la raconter :

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J'ai toujours souffert de mes genoux. Au plus loin de mes souvenirs qui sont de mon CP je me plaignait déjà. Mais à cet âge là, des joues un peu ronde et pas hyper sportive de base, on entend très vite les " arrête de faire semblant, fait un effort, regarde les autres le font, t'es pas malade, c'est normal..." et plein d'autres choses que je n'ai pas forcément retenu. À l'époque c'était à la mode d'accuser la croissance. Les enfants blablabla grandissent vite blabla, soit. En primaire je ne me souviens pas trop avoir été dispensée, mais ne pas pouvoir courir ou sauter à la corde ni même faire la super chorégraphie de danse du spectacle de fin d'année (j'ai fini le plus au fond avec des "fait de ton mieux, de toute façon on te verra presque pas") sans avoir d'explication médicale à donner à ses camarades, ça vous met très vite de côté.

Le sport j'aimais ça, en maternelle j'avais fait un peu de foot, puis du judo avec mon frère, puis du volley. Mais ces deux derniers ont dû être arrêtés à cause de les douleurs.

Au collège il faut des certificats médicaux pour l'EPS, alors il a bien fallu insister auprès du médecin. On a mis entre les CM et le collège le nom de " syndrome rotulien " et ont commencé des années de kiné et de dispenses régulières de sport. En 6e je me souviens d'un professeur adorable qui comprenait ma situation et qui ne m'a jamais remis en cause ni fait forcer. Il e motivait et même si je n'atteignait pas le barème j'avais de bonnes appréciations. J'aimais aller en EPS malgré l'épreuve que cela peut être à la préadolescence de ne pas courir ni sauter correctement.

Quand ce professeur est parti à la retraite, je n'ai plus aimé le sport pendant plusieurs années. L'enseignante ne comprenait pas mes douleurs et insistait en me traitant devant les camarades de "féniante" , "Ouais c'est ça, moi aussi j'ai mal" et d'autres. Jusqu'à mettre des mauvaises appréciations sur mes bulletins pourtant très bons ailleurs. La déléguée des parents lui a dit au conseil : "vous savez que cette élève a des problèmes de genoux ?" elle a répondu après plus d'un an "ah non, elle ne m'en a jamais parlé"... Depuis, malgré les bénéfices que m'auraient apporté le sport, j'ai été dispensée à l'année.

À la fin du collège et 4 années de kiné infructueuse je suis enfin envoyée vers un orthopédiste qui décide d'abaisser et recentrer mes rotules via une opération chirurgicale. N'ai donc fait ma rentrée de seconde avec des béquilles puis subbit la deuxième jambe en cours d'année, idéal pour bien s'intégrer dans ce nouvel environnement scolaire... J'ai ensuite changé de lycée.

Depuis je n'ai jamais pu me remettre à genoux, rester longtemps les jambes fléchies ni courir correctement. Mais pour le chirurgien tout était rentré dans l'ordre et tout allait bien. J'ai donc pendant 7 ans mis mes douleurs restantes sur le coup des opération, de la pluie et du beau temps... De toute façon j'étais fâchée avec le sport alors ne pas en faire ne me manquait pas trop.

En juin 2015, alors que je travaillais debout toute la journée pour donner des cours, j'ai commencé à ressentir une violente et soudaine douleur dans le genou gauche. Je suis rentré chez moi sans pouvoir poser le pied par terre et sans savoir pourquoi.

C'est le début de l'histoire.

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2015

(mi-juin)
Médecin traitant : "c'est une entorse du genoux, mets une atèle et fait de la kiné"

Deux mois plus tard (mi-août)
Autre généraliste : "n'importe quoi, il n'y a pas eu de tromatisme, c'est ton syndrome rotulien qui revient, le kiné va te montrer des exercices à faire tous les jours jusqu'à la fin de ta vie"

15j après (fin août)
Autre généraliste : "fait des étirements, refait une radio"

Ostéopathe car quand on ne marche pas bien on a aussi mal au dos...

Un mois après (fin septembre)
Médecin traitant : "humm, encore de la kiné, bon il faudrait peut-être voir l'orthopédiste..."

Un mois après (début nobembre)
Médecin traitant : "ah tu as si mal que ça ? Bon ben prends des efferalgan. Prends un antiinflammatoires aussi. Si t'insistes, oui je te donne des béquilles.."

Je n'ai pas supporté d'anti-inflammatoire qui de toute façon n'avait aucun effet positif.

Trois semaines après (fin novembre)
Orthopédiste : "je ne voit rien qui expliquerait vos douleurs, il faut faire un IRM. Votre généraliste aime vous voir souffrir ? Non parce qu'il existe des anti douleurs plus efficaces quand même..."

5 jours après
Médecin de la fac : "combien de temps vous pouvez rester debout ? Non mais va falloir m'aider mieux que ça là ! parce que sinon je ne voit pas ce que je peux faire pour vous !"

1 mois après (fin décembre / début janvier)
IRM puis orthopédiste : "je ne vois rien à gauche (là où j'ai le plus mal) et à droite un petit machin au cartilage mais rien de significatif. Bilan : je ne sais pas, allez voir ailleurs."

À ce jour je dévalise les pharmacies en antalgiques (sans que ça me soulage vraiment pour autant...) en attendant de voir un rhumatologue, 8 mois après juin...

Je tests également le Lyrica pour voir si ça me soulagerai un peu, pour le moment je n'ai pas trop d'effets secondaires mais pas énormément de bénéfices non plus.

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Comme pour beaucoup, l'incompréhension d'une partie de mon entourage m'est difficile, en particulier celle de mon petit ami qui ne semble pas comprendre que, si je pose mes béquilles dans le couloir en rentrant, ça ne veut pas dire que passée la porte je n'ai plus mal, que la douleur ça ne se voit pas, que je ne dis pas constamment "j'ai mal" ça ne veut pas dire que je ne souffre pas et que non, si je suis sur le canapé et que je n'ai pas encore fait à mangé ce n'est pas simplement que j'ai la flemme, mais que j'ai trop mal pour être debout et préparer le repas...

Au delà de ça, autre chose de plus surprenant me fait souffrir : la compassion et la tristesse que les personnes éprouvent envers moi. Car si cette bienveillance me touche positivement (je suis contente de pouvoir m'assoire dans le bus, passer à la caisse, me faire tenir les portes), elle me renvoie aussi le reflet de ma maladie et surtout le fait que le simple fait de trimballer deux cannes anglaises modifie parfois complètement le comportement des gens alors que je n'ai pas forcément plus mal que sans.

Depuis quelques jours j'ai l'impression de vivre ce qu'il m'arrive comme un deuil. Comme le deuil de mon corps que l'on assassine sous mes yeux sans pourtant que je puisse en distinguer l'auteur.
Le choc : j'ai de nouveau très mal
Le déni : non, pas encore, j'en ai déjà trop souffert de ce soit disant syndrome rotulien et de la kiné. Pourquoi encore moi ?
La colère : foutus médecins incapable de trouver et résoudre le problème, et puis personne ne m'aide, personne ne comprends.. Foutue famille de consanguins dans laquelle on a tous des problèmes...
La tristesse : mes études foutent le camps, pourquoi encore moi ?
La résignation : bon, c'est comme ça, on va bien devoir faire avec.
L'acceptation et la reconstruction, je n'y suis pas encore.

C'est ça pour moi, je fais le deuil de mon corps. Mais comme pour les familles de victimes, on ne peut pas faire un deuil complet sans avoir la cause de la perte. Et tant que je ne sais pas ce que j'ai, je serai toujours en deuil.

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Pour terminer ce long étalage de ma situation, je remercie ceux qui ont lu et ui voudront peut-être me répondre quelque conseils ou témoignage.

Merci.

Re: Si seulement j'avais juste fait du ski

Publié : 11 sept. 2016 17:58
par zao35
Bonjour,

Je viens de trouver ce forum, et par l'occasion, votre message. Je constate que vous n'avez pas eu beaucoup de réponses à votre sujet. C'est bien dommage, car parfois, une réponse, un signe de quelqu'un qui comprend ce qu'on vit, qui comprend notre découragement, notre lutte au quotidien et bien, ça suffit parfois pour repartir dans une dynamique de lutte. Je ne sais pas comment vous allez depuis, mais face à ce type de problèmes ( je suis moi aussi de la partie!), j'ai appris avec le temps que ça ne va pas toujours dans le sens qu'on voudrait. Je n'ai pas les mêmes problèmes que vous, pas les mêmes angoisses non plus car je suis plus vieux (mais j'ai aussi les miennes :) ) mais la fatigue, l'incompréhension de l'entourage, l'épuisement physique, la lutte en solitaire, les consultations médicales où l'on doit toujours répéter la même chose et où l'on vous regarde avec suspicion ( d'ailleurs, je ne consulte plus personne depuis presque 2 ans malgré mes difficultés physiques, mes béquilles à cause de mes muscles défaillants...) je connais bien!! Si vous souhaitez échanger, eh bien, c'est à vous...

Re: Si seulement j'avais juste fait du ski

Publié : 28 févr. 2017 22:35
par Zobinn
Je sais que ton sujet à une bonne année, mais c'est pour te dire que je vis la même chose. J'ai aussi ce "syndrome rotulien", d'abord au genou gauche puis au droit, à force de compenser. J'ai des douleurs aux genoux comme tu les décris depuis que j'ai 15 ans, j'approche de mes 21 ans, J'ai jamais été opérée, j'ai décidé d'arrêter la kiné et de faire les exercices que je faisais là-bas à la maison, puis peu à peu j'ai arrêté... Des fois ça va, des fois j'ai comme des couteaux dans les genoux.
Tu n'es pas seule, j'espère que tu le sais, et ça m'apaise de voir que je ne suis pas seule.
Je vis ces douleurs aussi comme un deuil, ce n'est pas considéré comme un handicap, c'est souvent vu comme du chipotage, et personne ne cherche à comprendre. En attendant, je ne peux plus courir, marcher longtemps et dans les pentes trop raides, je ne peux plus m'agenouiller ni m'accroupir sans souffrir le martyr, etc. Mais on s'adapte, on en chie et on n'en parle plus pour ne plus avoir à répondre aux mêmes questions.
Courage. Je sais ce que c'est.