Témoignage Syndrome de Kallmann de Morsier
Publié : 04 mai 2021 11:48
Bonjour,
Je voulais témoigner en tant que malade atteint du syndrome de Kallmann pour tous ceux qui viennent d’être diagnostiqué ou qui ont un enfant ou un proche atteint.
Je suis né avec une anosmie totale et un micropenis. Durant mon enfance, je ne me suis jamais vraiment rendu compte que j’étais malade. Je me disais juste que je ne sentais rien et que mon zizi était petit mais en même temps j’allais pas forcément comparer avec le voisin donc bon. Je savais qu’il y avait un problème, mais j’avais 2 bras, 2 jambes, une famille aimante donc je ne ressentais pas le besoin d’en parler ou même de me soigner. Je suis donc passé inaperçu pendant très longtemps.
En grandissant j’ai commencé à souffrir de voir mes cousins plus jeunes que moi grandir, muer, se muscler, sortir avec des filles. Pendant ce temps là je restais prisonnier dans le corps d’un enfant de primaire. Mais j’étais heureux. Je ne me rendais compte de rien... et tant mieux.
Ma mère a décidé de prendre les choses en mains lors de mes 17 ans. La pauvre ne connaissait pas grand chose à la médecine et m’a pris rendez-vous... avec un sexologue. L’objectif était de poser un diagnostic pour me traiter. Ça a pris du temps car ce n’était pas un spécialiste. Au menu, prise de sang pour un bilan hormonal (pour déterminer si l’hypogonadisme était hypo ou hypergonadotrope), caryotype (pour éliminer ou non un Syndrome de Klinefelter), Osteodensitometrie (pour mesurer l’age de mes os), IRM hypophysaire etc etc. Un parcours du combattant où on attend, on attend, on attend. C’est long, insupportable, stressant et on perd un peu le sourire. Le sexologue n’arrivait pas à établir de véritable diagnostic jusqu’au jour où je lui ai dit que je ne sentais aucune odeur ; et là ça y est c’était officielle : Syndrome de Kallmann. A ce moment là le sexologue m’avait clairement fait comprendre qu’avoir des enfants serait mission impossible. C’était très très dure à encaisser. Apprendre qu’on est malade, qu’on a le corps d’un gosse de 10 ans alors qu’on s’apprête à passer le bac, se faire tripoter dans tous les sens pour savoir ce qu’on a et apprendre qu’on aura sûrement jamais d’enfant. Déjà une nana c’était chaud mais alors une femme et des gosses, c’était le coup de grâce. A ce moment l’entourage a vraiment un rôle à jouer, que ce soit la famille ou les amis, c’est important d’avoir du soutien mais de ne pas non plus être sur-protégé.
Me voilà donc chez un endocrinologue qui décide de m’hospitaliser pour confirmer le diagnostic, 3 jours à l’hôpital à passer des tests. Le premier traitement est administré vers mes 19 - 20 ans. Le changement opère assez rapidement. Je me souviens plus en combien de temps mais je pense que dès les 3-6 premiers mois de traitement on voit une bonne différence : la puberté à 20 ans. Il était temps...
J’ai eu une injection intra-musculaire de testostérone toutes les 3 semaines pendant 8 ans environ. 8 ans pendant lesquels l’endocrinologue m’a fait comprendre qu’avoir des enfants serait très très compliqué. Ça ne m’a jamais empêché d’être heureux, de me démarquer, d’avoir une vie sociale riche, de faire tout ce que je voulais. Je ne me suis jamais laissé définir par ma maladie. Je ne l’ai jamais laissé m’abattre. J’ai eu la chance d’être traité, que ca ne se voit plus physiquement. Il y a eu de gros progrès au niveau génital même si je restais sûrement en dessous de la moyenne.
Pour ce qui est des filles, il faut dire que je partais avec un gros handicap. Physiquement j’ai mis du temps à faire mon âge, je traînais des années de complexe à cause de mon penis, ma confiance en moi dans ce domaine en particulier était au ras des pâquerettes. Je me suis réfugié dans les études et je n’avais pas le temps pour des amourettes. Et puis un jour je me suis senti prêt à affronter mes peurs et flirter, draguer et même me marier. Je me suis toujours dis qu’une fille qui m’accepterait avec le risque de ne pas avoir d’enfant et/ou d’orgasme serait une femme exceptionnelle et que toutes celles qui se moqueraient ne seraient jamais dignes de moi ni d’autres hommes d’ailleurs. Il faut savoir s’accepter, s’aimer et briller sans traîner ses boulets qui nous pourrissent la vie. Je me suis donc marié, moi qui pensait que ça n’arriverait jamais. A ce moment mon endocrinologue partait à la retraite et m’a transféré à une de ses collègues spécialisée en fertilité. Et là c’était incroyable. Après une dizaine d’année où on m’a dit que c’était mort, elle m’annonce qu’avec un traitement la spermatogenèse (fabrication des spermatozoides) pouvait reprendre.
Au bout d’un an de ce traitement j’ai eu des spermatozoide et au bout de 3 tentatives, bim bébé ! Me voici papa.
Je pense que je suis bien placé pour dire que le syndrome de Kallmann n’est pas une fatalité. Ce n’est pas évident certes mais on s’en sort. Aujourd’hui on sait mieux traiter cette maladie qu’à mon époque. Encore faut-il être correctement orienté. Je n’ai pas eu cette chance mais malgré tout j’ai pu être traité et vivre normalement. Ma vie aurait été différente si j’avais été traité dès mes 12-13 ans mais je ne regrette pas cette expérience. J’en suis sorti beaucoup plus fort, avec des capacités d’adaptation et de résilience que je n’aurais surement pas eues si tout avait été parfait.
Je suis là si vous avez des questions.
Courage à vous tous
Je voulais témoigner en tant que malade atteint du syndrome de Kallmann pour tous ceux qui viennent d’être diagnostiqué ou qui ont un enfant ou un proche atteint.
Je suis né avec une anosmie totale et un micropenis. Durant mon enfance, je ne me suis jamais vraiment rendu compte que j’étais malade. Je me disais juste que je ne sentais rien et que mon zizi était petit mais en même temps j’allais pas forcément comparer avec le voisin donc bon. Je savais qu’il y avait un problème, mais j’avais 2 bras, 2 jambes, une famille aimante donc je ne ressentais pas le besoin d’en parler ou même de me soigner. Je suis donc passé inaperçu pendant très longtemps.
En grandissant j’ai commencé à souffrir de voir mes cousins plus jeunes que moi grandir, muer, se muscler, sortir avec des filles. Pendant ce temps là je restais prisonnier dans le corps d’un enfant de primaire. Mais j’étais heureux. Je ne me rendais compte de rien... et tant mieux.
Ma mère a décidé de prendre les choses en mains lors de mes 17 ans. La pauvre ne connaissait pas grand chose à la médecine et m’a pris rendez-vous... avec un sexologue. L’objectif était de poser un diagnostic pour me traiter. Ça a pris du temps car ce n’était pas un spécialiste. Au menu, prise de sang pour un bilan hormonal (pour déterminer si l’hypogonadisme était hypo ou hypergonadotrope), caryotype (pour éliminer ou non un Syndrome de Klinefelter), Osteodensitometrie (pour mesurer l’age de mes os), IRM hypophysaire etc etc. Un parcours du combattant où on attend, on attend, on attend. C’est long, insupportable, stressant et on perd un peu le sourire. Le sexologue n’arrivait pas à établir de véritable diagnostic jusqu’au jour où je lui ai dit que je ne sentais aucune odeur ; et là ça y est c’était officielle : Syndrome de Kallmann. A ce moment là le sexologue m’avait clairement fait comprendre qu’avoir des enfants serait mission impossible. C’était très très dure à encaisser. Apprendre qu’on est malade, qu’on a le corps d’un gosse de 10 ans alors qu’on s’apprête à passer le bac, se faire tripoter dans tous les sens pour savoir ce qu’on a et apprendre qu’on aura sûrement jamais d’enfant. Déjà une nana c’était chaud mais alors une femme et des gosses, c’était le coup de grâce. A ce moment l’entourage a vraiment un rôle à jouer, que ce soit la famille ou les amis, c’est important d’avoir du soutien mais de ne pas non plus être sur-protégé.
Me voilà donc chez un endocrinologue qui décide de m’hospitaliser pour confirmer le diagnostic, 3 jours à l’hôpital à passer des tests. Le premier traitement est administré vers mes 19 - 20 ans. Le changement opère assez rapidement. Je me souviens plus en combien de temps mais je pense que dès les 3-6 premiers mois de traitement on voit une bonne différence : la puberté à 20 ans. Il était temps...
J’ai eu une injection intra-musculaire de testostérone toutes les 3 semaines pendant 8 ans environ. 8 ans pendant lesquels l’endocrinologue m’a fait comprendre qu’avoir des enfants serait très très compliqué. Ça ne m’a jamais empêché d’être heureux, de me démarquer, d’avoir une vie sociale riche, de faire tout ce que je voulais. Je ne me suis jamais laissé définir par ma maladie. Je ne l’ai jamais laissé m’abattre. J’ai eu la chance d’être traité, que ca ne se voit plus physiquement. Il y a eu de gros progrès au niveau génital même si je restais sûrement en dessous de la moyenne.
Pour ce qui est des filles, il faut dire que je partais avec un gros handicap. Physiquement j’ai mis du temps à faire mon âge, je traînais des années de complexe à cause de mon penis, ma confiance en moi dans ce domaine en particulier était au ras des pâquerettes. Je me suis réfugié dans les études et je n’avais pas le temps pour des amourettes. Et puis un jour je me suis senti prêt à affronter mes peurs et flirter, draguer et même me marier. Je me suis toujours dis qu’une fille qui m’accepterait avec le risque de ne pas avoir d’enfant et/ou d’orgasme serait une femme exceptionnelle et que toutes celles qui se moqueraient ne seraient jamais dignes de moi ni d’autres hommes d’ailleurs. Il faut savoir s’accepter, s’aimer et briller sans traîner ses boulets qui nous pourrissent la vie. Je me suis donc marié, moi qui pensait que ça n’arriverait jamais. A ce moment mon endocrinologue partait à la retraite et m’a transféré à une de ses collègues spécialisée en fertilité. Et là c’était incroyable. Après une dizaine d’année où on m’a dit que c’était mort, elle m’annonce qu’avec un traitement la spermatogenèse (fabrication des spermatozoides) pouvait reprendre.
Au bout d’un an de ce traitement j’ai eu des spermatozoide et au bout de 3 tentatives, bim bébé ! Me voici papa.
Je pense que je suis bien placé pour dire que le syndrome de Kallmann n’est pas une fatalité. Ce n’est pas évident certes mais on s’en sort. Aujourd’hui on sait mieux traiter cette maladie qu’à mon époque. Encore faut-il être correctement orienté. Je n’ai pas eu cette chance mais malgré tout j’ai pu être traité et vivre normalement. Ma vie aurait été différente si j’avais été traité dès mes 12-13 ans mais je ne regrette pas cette expérience. J’en suis sorti beaucoup plus fort, avec des capacités d’adaptation et de résilience que je n’aurais surement pas eues si tout avait été parfait.
Je suis là si vous avez des questions.
Courage à vous tous