par CMT-fighter » Ven 24 Juin 2022 20:07
Vos messages sont si vieux... Et pourtant c'est les plus récents que je trouve. Je regrette qu’on ne trouve pas plus de témoignages de personnes malades.
J'ai 26 ans et ça fait plus de dix ans que j'ai pu mettre un nom sur mes difficultés physiques au moment où on m’a diagnostiqué.
A l'époque, j'avais essayé de trouver des témoignages sur cette maladie mais il n'y avait que peu d'information de personnes malades. Et encore moins sur des traitements efficaces. Quand je lis le message de Lisa1997, j'en ai des frissons tellement j'aurais pu écrire certaines phrases.
Aujourd'hui, j'écris ce message pour laisser une trace aux plus jeunes qui liront peut-être et pour me décharger de ses sentiments que je garde pour moi car j'ai dû mal à assumer cette maladie.
L'une des choses qui m'a beaucoup gêné est de n'avoir jamais discuté avec des personnes touchées par la CMT.
A l’époque, les premières questions qui me venaient étaient les suivantes:
"Est-ce que ça va s’empirer ?"
Que faire-vous pour la combattre ?
Est-ce qu'il existe un traitement ?
J'ai rencontré beaucoup de médecins : des généralistes, des podologues, des chirurgiens orthopédistes, des neurologues, des kinés, des spécialistes de la rééducation, etc. Ils n’étaient pas forcément de la même ville, parfois ne connaissaient pas du tout la maladie, d’autres étaient plus au courant et suivaient régulièrement des malades. Ils m’ont tous tenu le même discours. La CMT = absence de myéline = impossible de muscler son corps. On peut seulement tenter sauver les meubles… C’était très dur à entendre. On vous annonce que vous êtes malades, que vos muscles ne suivront pas votre croissance mais on ne vous propose aucun traitement efficace. Ils sont nombreux à me dire d’arrêter la course à pied car cela va empirer l’état de mes pieds et que les risques de blessures sont très probables. J’ai proposé de faire de la musculation et on me l’a déconseillé car il fallait que j’évite les charges lourdes et que ça allait aggraver ma scoliose.
Je courais régulièrement et je me satisfaisais de mon niveau malgré qu’il soit bien en dessous de mes amis. Je suivais aussi des cours de sport en club. Une fois diagnostiqué, mon médecin généraliste a refusé de m’accorder une attestation médicale, le sport en club était terminé. J'ai dû stopper la course à pied suite aux contres indications du corps médical.
Je tiens à vous dire, si vous me lisez toujours, que ces décisions ont été les pires de ma vie.
Je souhaite sincèrement insister que mon but n’est de pas de généraliser mon cas ou de proposer une solution miracle contre cette maladie. La suite est donc mon propre ressenti avec des conséquences qui ne doivent pas être généralisées.
Pendant 4 ans, j’ai écouté mes médecins et j’en ai vu des conséquences désastreuses sur mon corps. J’ai poursuivi la kiné pendant un certain temps avant d’arrêter car je n’y voyais aucune amélioration notable.
Je n’étais plus capable de courir. Je ne veux pas dire que mes muscles s’étaient atrophiés ni que mon cœur ne suivait pas. Mes pieds s’étaient creusés, et les tendons semblaient si raide… Je n’arrivais juste pas à me mettre en « état de course ». Ce sentiment m’a horrifié et reste gravé en moi. A ce moment, j’ai environ 18 ans.
J’ai donc décidé d’aller marcher comme je le faisais régulièrement pendant plusieurs heures lorsque j’étais plus jeune. Au bout de 30 minutes avec des chaussures de marche (un peu plus lourde que des chaussures classiques), je me rends compte que je n’arrive plus à soulever mes jambes. Elles me paraissent si lourde. J’ai d’abord ressenti de la honte… Puis de la frayeur car je me suis demandé comment j’allais faire pour rentrer chez moi. J’ai dû patienter sur un banc 1 heure pour me reposer.
J’ai ensuite décidé de faire des pompes. Je n’ai pas réussi à en faire une avec les genoux au sol. 4 ans auparavant, je me souvenais en faire une dizaine.
Ces évènements personnels m’ont éclairé sur un point bien précis. J’avais suivi tous les conseils du corps médical et j’avais la sensation d’être devenu un légume sans m’en rendre compte. Etant donné que leurs indications ne m’ont pas permis de lutter efficacement contre cet handicap, j’ai alors décidé d'aller contre certaines recommandations des médecins.
Je me suis inscrit en salle de musculation où j’ai pu réaliser de nombreux exercices pour mesurer la force de mon corps. J’étais clairement horrifié de voir mes résultats et de constater la faiblesse de mon corps.
J’ai repris la course à pied progressivement jusqu’à réussir à pouvoir faire des petites foulées.
Ces dernières décisions font parties des meilleurs que j’ai prise et je regrette d’avoir perdu tant de temps.
Je ne vais pas tout vous décrire car je suis passé par tellement d’émotions et d’essais à tenter de contrecarrer ma maladie. Ce que je peux vous dire, c’est qu’aux fils des années, en maintenant mes efforts, j’ai réussi à courir 9km à 10km/h. Ça en ferait sourire beaucoup car c’est loin d’être une performance. Mais c’était un objectif que je croyais inatteignable lorsque j’ai repris cette activité. C’est à ce moment que j’ai compris qu’une grosse partie du corps médicale ne maitrisait pas cette maladie. Lorsque j’ai été de nouveau suivi par des médecins/neurologues, ils n'avaient aucun autre patient qui pratiquait la course à pied.
Depuis peu, je réussis à réaliser 6 tractions (pour 60kg). Pour moi, c’est un nouvel objectif atteint que je pensais totalement impossible au vu de mes bras qui semblent si fragile et si fin. J’arrive à soulever mon corps à la force de mes bras et de mon dos
Ce que j’essaye de vous décrire par ces dernières phrases est de ne pas écouter trop attentivement les experts qui vous diront ce que vous devez faire ou non. Je ne dis surtout pas qu’il ne faut pas les écouter mais ayez du recul sur ce qu’ils vous disent. La maladie est encore trop peu connue et ils n’ont pas assez de retour des malades. Les réponses sont trop souvent du type « allez à la piscine et faites du vélo » ou encore « arrêtez de pratiquer vos activités sportives ». La maladie se manifeste différemment en fonction des personnes. Mon avis personnel forgé uniquement sur ma propre expérience est que si vous pratiquez déjà une activité physique au moment du diagnostic, ne l’arrêtez surtout pas.
J’ai longtemps eu une haine énorme envers les médecins qui m’avaient fait stopper toute activité puis je me suis rendu compte que l’erreur venait aussi de moi. Un rendez-vous avec un médecin dure environ 10-15 minutes. Il voit des vingtaines de patients sur la journée avec des pathologies différentes. Je pense que certains ne se rendent pas compte du vocabulaire qu’ils utilisent. Là où ils diront qu’une chose est impossible, ils pensent peut-être « peu probable ou difficile ». Moi, j’entendais bien « i m p o s s i b l e ». Là où ils diront que je pourrais finir en béquille ou en fauteuil, moi j’y voyais une finalité non négociable.
Je ne dis pas que mes actions sont les bonnes. J’en doute en permanence. Je peux stagner des mois sans parvenir à progresser et il est parfois dure de maintenir ses efforts sans résultat. Mais après l’avoir testé, je sais pertinemment que l’arrêt de ces activités engendre une perte musculaire significative et très dur à regagner. Récemment, j’ai dû arrêter de courir à cause de très fortes douleurs qui apparaissaient au bout de 500 mètres. J’ai senti que mon état se dégradait au fil des mois. La marche devenait plus compliquée et au bout d’un an, mon pied semble s’être déformé un peu plus.
J’ai aussi connaissance qu’il existe des tests pour un traitement (PXT3003) mais je trouve si peu d’informations que ça me frustre. Lorsque j’en parle aux neurologues spécialisés dans la CMT, ils n’en savent que trop peu sur l’avancé des tests… j’avais demandé au labo concerné de faire partie des essais mais ils ne m’ont jamais rappelé. Si vous avez des infos ou vous connaissez un espace de discussion plus adapté pour échanger autour de cette maladie, je suis très intéressé.
Comme dit plus haut par Lisa, cette maladie n’est pas la pire. On m’a souvent rappelé que certains avaient pire et que «la CMT n’était pas si handicapant »… Et c’est vrai dans certains cas. Mais je ne peux m’empêcher de penser que certains ont une meilleure santé.
La maladie est si invisible de l’extérieur et pourtant j’ai toujours eu cette sensation d’être prisonnier de mon corps. Que mon corps et mon esprit sont en totale contradiction. J’ai toujours aimé faire du sport et pourtant j’ai toujours refusé d’aller courir avec des amis car à l’époque, je n’aurai jamais pu les suivre. J’ai toujours refusé les sorties sportives entre amis car incapable de réaliser 20% de leur capacité physique … Je ne refuse même pas par honte mais surtout pour éviter la frustration d’être bien en dessous des performances des autres.
Je refuse même des activités comme le bowling car je ne supporte plus le fait d’avoir du mal à tirer la boule avec mon avant-bras. Beaucoup d’activités qui devraient amusantes et bon délire ne sont pour moi que frustration et je préfère les refuser alors que je souhaiterai tellement y participer. Je ne pense pas être seul à avoir vécu ces situations.
C’est par la pratique de la musculation et de la course que je souhaite gommer tous ces sentiments de frustration. Ça me donne réellement la sensation de combattre activement la maladie plutôt que d’y être passif.
Certaines de mes phrases pourraient laisser prétendre qu’on vit mal avec cette maladie mais ce n’est pas le but de mon message. C’est aussi pour vous partager mes sentiments qui seront peut-être communs à certaines personnes. Et pour vous dire que votre ressenti sur cette maladie n’est pas un cas isolé. Il y a trop peu de témoignages de personnes touchées par la CMT1A.
En parcourant d’autres forums, on trouve des personnes qui parviennent à participer à des semi-marathons, gravir des monts, pratiquer des activités sportives. Mais je trouve que ces infos ne sont pas suffisantes. Je vous invite vraiment à décrire votre quotidien, vos difficultés ainsi que toutes les actions que vous avez réalisé qui vous ont aidé à ralentir la progression de la maladie (ou qui n’ont pas fonctionné). Je pense sincèrement que ce type de contenu servira aux plus jeunes qui découvriront une maladie mal connue. Personnellement, je le répète, c’est ce qui m’a manqué.
Je sais bien que beaucoup d’entre vous vivent très bien malgré la maladie. Mais je tenais surtout à vous dire que je suis aussi persuadé que vous pouvez améliorer votre condition physique bien plus que ce que le corps médical peut vous laisser prétendre.
Si certaines personnes ont des questions, j'y répondrai avec plaisir par mail.
N’hésitez pas aussi à partager les actions qui vous aident à lutter contre votre maladie. Témoignez de votre quotidien pour ceux qui découvrent leur maladie.
Je suis aussi très intéressé de savoir ce que vous faites chaque jour pour combattre cette maladie qui vous accompagne chaque jour. Je suis sûr que je ne suis pas seul dans ce cas. Je vous ai partagé quelques retours d’expériences et j’espère en apprendre plus sur les vôtres aussi.
Le message est significativement long mais j'espère que certains le trouveront utile :)